L'art-thérapie : qu’est-ce que
c’est?
L'art-thérapie est une forme de psychothérapie qui utilise
la création artistique (dessin, peinture, collage, sculpture, etc.) pour prendre
contact avec sa vie intérieure (sentiments, rêves, inconscient, etc.),
l'exprimer et se transformer. Sans se préoccuper de la qualité ou de l'apparence
de l'oeuvre finale, la démarche thérapeutique consiste à laisser progressivement
surgir ses images intérieures, qui peuvent être autant le reflet d'expériences
du passé que de rêves auxquels on aspire. Le geste créateur fait appel au corps
qui se met en mouvement pour créer une oeuvre concrète. Dans le même élan, il
sollicite l'imagination, l'intuition, la pensée et les émotions. Les images ou
les formes ainsi créées, en plus de dévoiler certains aspects de soi, peuvent
générer une vision et des comportements nouveaux qui contribueront à des
guérisons physiques, émotives ou spirituelles.
Certaines écoles de pensée
considèrent que l’art-thérapie peut dépasser le cadre de la psychothérapie et
avoir des visées humanitaires et thérapeutiques plus larges. Elle permettrait de
venir en aide aux personnes malades, handicapées ou aux prises avec de la
douleur chronique ou des problèmes moteurs, par exemple.
L'application de
l'art à des fins thérapeutiques n'est pas un concept nouveau. La Grèce antique,
tout comme la plupart des cultures traditionnelles, considérait que les arts
avaient un effet cathartique et thérapeutique. Au début du XXe siècle, le
psychiatre suisse Carl G. Jung (1875-1961) avait déjà lui-même expérimenté les
bienfaits de l’expression par le dessin. Il a ensuite intégré cette approche
dans sa pratique. Toutefois, l'art-thérapie n'a fait son entrée officielle dans
la société contemporaine que vers les années 1930. Elle s'est d'abord introduite
en Angleterre et aux États-Unis grâce à Margaret Naumburg, enseignante et
psychothérapeute reconnue comme l'une des pionnières dans le domaine. Par
ailleurs, il est intéressant de faire un parallèle entre l'art-thérapie et l'art
brut, un mouvement lancé en 1945 par le peintre français Jean Dubuffet, à cause
de la similarité du processus créatif qui vise essentiellement l'expression
spontanée et personnelle (voir Sites d’intérêt).
Au Canada, parmi les
thérapeutes ayant contribué à l'intégration de l'art dans le cadre de
traitements psychiatriques, mentionnons Martin A. Fisher qui a fondé, en 1967,
le Toronto Art Therapy Institute et, en 1977, la Canadian Art Therapy
Association. Au Québec, le premier cours d'initiation à l'art-thérapie remonte à
1979 et, dès 1982, un programme universitaire de maîtrise est mis sur pied. En
France, en dépit des programmes de formation offerts depuis les années 1970,
l'art-thérapie n'est pas encore très répandue. L'Angleterre est le premier pays
européen où la profession a été reconnue par les Services de santé publique, en
1997. En Allemagne, les assurances couvrent, dans certains cas, les frais de
prise en charge, tandis que dans la plupart des autres pays européens, le
travail de reconnaissance professionnelle reste à faire.
Le titre
d'art-thérapeute n'étant pas protégé, n'importe qui peut s'afficher
art-thérapeute sans formation particulière. Au Québec, le titre «
d'art-thérapeute professionnel du Québec (ATPQ) » est toutefois réservé aux
titulaires d'une maîtrise en art-thérapie ou d'un diplôme universitaire
équivalent approuvé par l'Association des art-thérapeutes du Québec1. Il existe
de nombreuses associations professionnelles d'art-thérapie dans le monde qui
veillent à promouvoir et à contrôler les normes de formation et de pratique,
entre autres la Canadian Art Therapy Association2, l'American Art Therapy
Association3 ainsi que la Fédération française des
art-thérapeutes4.
Applications thérapeutiques de
l'art-thérapie
De façon générale, l'art-thérapie s'adresse à
toute personne souhaitant entreprendre une démarche de croissance personnelle.
L'approche s'apparente à une psychothérapie ou à une consultation psychologique
classique à quelques importantes différences près. Tout d'abord, elle privilégie
un mode d'expression autre que le langage verbal. Ensuite, en plus de permettre
des prises de conscience, elle peut elle-même être une source de libération, un
révélateur ou un catalyseur à l'intérieur du processus de transformation. Enfin,
c'est une approche dynamique qui favorise l'éveil du potentiel créatif,
l'affirmation de soi et qui entraîne souvent un sentiment de bien-être,
d'autonomie et de liberté.
L'art-thérapie est une pratique très répandue
dans les secteurs de la santé. On l'utilise comme mode d'intervention en
psychothérapie, particulièrement chez les sujets ayant de la difficulté à
exprimer ce qu'ils ressentent par la parole, avec les enfants en bas âge ainsi
qu'en physiothérapie pour développer une meilleure confiance en soi et favoriser
la réhabilitation. L'approche peut être un outil d'accompagnement efficace pour
aider à résoudre un grand nombre de problèmes reliés à des troubles
d'apprentissage et de comportement5,6, des traumatismes importants7,8, des
difficultés d'adaptation9,10, des problèmes de dépendance et de suicide, des
conflits de travail ou personnels, etc. L'approche peut aussi être utile pour
induire de l’empathie chez les professionnels de la santé et favoriser une
meilleure communication avec leurs
patients11-16.
Recherches Bien que peu d’études scientifiques
bien contrôlées aient été publiées sur l’art-thérapie, voici les principales
références relatives à son efficacité.
Améliorer la qualité de vie des personnes âgées. Une étude aléatoire
avec groupe témoin a été menée auprès de 40 personnes âgées de 70 ans à 97 ans.
Les résultats révèlent qu’une intervention d’art-thérapie basée sur
l’observation d’oeuvres d’art améliore le bien-être émotionnel et divers
paramètres physiologiques (pression artérielle, fatigue, douleur, etc.)17. Dans
une autre étude, des personnes de 60 ans à 86 ans ont participé, pendant 1 mois,
à une des trois démarches suivantes : séances de théâtre, discussions à partir
d’oeuvres en arts visuels, ou aucune intervention18. Les personnes âgées ayant
suivi les sessions de théâtre ont amélioré de façon significative leurs
fonctions cognitives et leur bien-être psychologique comparativement aux deux
autres groupes, et ces améliorations étaient maintenues après 4 mois.
Aider les patients atteints de cancer. Les résultats d'un essai avec
groupe témoin, mené auprès de 32 enfants leucémiques de 2 ans à 14 ans,
indiquent qu’une approche d’art-thérapie combinant dialogue, imagination
visuelle, jeux et dessins, induit des comportements positifs avant, pendant et
après une intervention médicale douloureuse comme une ponction lombaire ou de la
moelle osseuse, comparativement à un groupe sans ce type de soutien19.
Les résultats de récentes études cliniques auprès de femmes ayant reçu
un diagnostic de cancer révèlent qu’un programme d’art-thérapie diminue les
symptômes de détresse psychologique et améliore la qualité de vie
comparativement à des femmes de groupes témoins20-22.
De plus, une étude
pilote a testé l’art-thérapie auprès de 69 aidants familiaux de patients
souffrant de cancer23. Ils en sont venus aux mêmes conclusions, soit que la
pratique de l’art-thérapie réduirait les niveaux de stress et d’anxiété et,
surtout, procurerait des moments de divertissement et de créativité.
Même
si d’autres essais bien contrôlés sont nécessaires afin de confirmer son
efficacité, l’art-thérapie semble prometteuse pour améliorer le bien-être,
favoriser la communication et aider à gérer les conflits émotionnels relatifs au
cancer24-27.
Réduire le stress et l’anxiété. D’après les résultats d’une étude
aléatoire menée auprès de 36 étudiantes en sciences infirmières, une séance
d’art-thérapie incluant dessins, peinture, écriture et collage pourrait être
bénéfique afin de réduire le stress et l’anxiété et favoriser des émotions
positives28.
Aider les personnes atteintes de schizophrénie. Il a été avancé que
l'art-thérapie pouvait contribuer à aider les personnes souffrant de troubles
psychiatriques. Toutefois, les auteurs de deux revues systématiques ont convenu
qu’étant donné le petit nombre d’études ainsi que la qualité insuffisante des
protocoles, aucune conclusion définitive ne pouvait être tirée à propos de
l’efficacité de cette approche pour les personnes atteintes de
schizophrénie29,30.
Aider les personnes souffrant de trouble de stress post-traumatique.
L’auteur d’un article scientifique regroupant des études de cas et quelques
études cliniques a étudié la contribution de l’art-thérapie au traitement du
stress post-traumatique31. Selon le chercheur, l’art-thérapie pourrait aider les
personnes, qu’elles soient victimes ou témoins, à mieux gérer l’ensemble de
leurs symptômes de stress post-traumatique d'ordre physique, cognitif, émotif et
comportemental.
L'art-thérapie en pratique
Une
session d'art-thérapie se déroule individuellement ou en groupe, dans un endroit
convivial qui ressemble plus souvent à un atelier d'art qu’à un cabinet de
thérapeute. Avant d'entreprendre le travail de création, le thérapeute cherche à
définir les motifs et les objectifs qui amènent le participant à suivre une
thérapie afin de mieux le guider dans son processus de recherche intérieure.
Puis, il lui donne des conseils d'ordre technique relatifs aux matériaux choisis
et l'encourage à s'exprimer le plus spontanément possible en représentant
visuellement ce sur quoi il a décidé de s'investir.
Bien que
l'art-thérapie comporte une dimension verbale, le travail d’expression
artistique demeure central à la démarche. C'est l'image qui sert de fil
conducteur. Par exemple, la personne qui suivrait une thérapie dans le but de
résoudre une relation conflictuelle pourrait, au départ, peindre la douleur
qu'elle ressent. Graduellement, elle parviendra à peindre un tableau renouvelé
de la situation et pourra finalement voir se dessiner une solution inédite. Au
début, cela peut paraître difficile à cause de notre tendance à analyser le
moindre de nos gestes. Mais peu à peu, guidé par le thérapeute, on en vient, à
force d'exercices, à s'exprimer plus librement. C'est en observant la manière de
structurer l'espace, de disposer les formes, d'utiliser les couleurs, d'associer
les idées qu'on parvient à donner un sens à sa création et à s'en inspirer pour
effectuer les changements désirés dans sa vie.
Un des aspects
intéressants de l'art-thérapie est que, contrairement à la parole, les images
demeurent. Ainsi, dans le cadre de la thérapie, si un individu en venait à tout
remettre en question, le thérapeute pourrait lui faire voir le chemin qu'il a
parcouru en exposant l'ensemble de ses travaux. Le rôle du thérapeute n'est pas
d'interpréter le travail créatif, mais de soutenir le sujet dans sa
transformation et de l'accompagner d'une production artistique à l'autre afin
qu'il en arrive à une plus grande clarté.
La durée d'une thérapie est
variable. Il se peut que quelques séances suffisent à cerner le problème. La
thérapie peut aussi s'étendre sur un plus grand nombre de rencontres.
Divers ateliers de groupe sont offerts par des enseignants, des
art-thérapeutes, des artistes professionnels et des psychologues. Si les
intervenants ne sont pas membres d'une association professionnelle
d'art-thérapeutes, assurez-vous de leur compétence en psychothérapie. On a beau
être un excellent artiste, on ne s'improvise pas psychothérapeute. Les ateliers
sont généralement offerts dans des centres de croissance, des centres
communautaires et des établissements offrant une formation en thérapie par
l'art.
L'art-thérapie se pratique dans une grande variété de contextes,
notamment dans les hôpitaux psychiatriques, les établissements de soins de
longue durée, les centres de rééducation, les centres de réadaptation pour
personnes alcooliques et toxicomanes, les centres de jeunes délinquants ainsi
que dans les milieux correctionnels, les résidences d'aînés et en pratique
privée. À Montréal, plusieurs hôpitaux, surtout anglophones, disposent d'un
service d'art-thérapie. Le premier fut mis sur pied par Marie Revai à l'Hôpital
Royal Victoria dans les années 1950.
Formation en
art-thérapie
Des programmes universitaires de formation en
art-thérapie sont offerts à la maîtrise, un peu partout dans le monde. Pour être
admissible, il faut détenir un baccalauréat en sciences humaines ou
l'équivalent.
Certains établissements offrent des programmes courts de
deuxième cycle en art-thérapie. Pour y être admis, l'étudiant doit être
titulaire d'un baccalauréat ou d'un diplôme équivalent dans le domaine de
l'intervention psychosociale, de la santé, de l'éducation ou des arts.
Avant de s'inscrire à un programme de formation en art-thérapie, il est
recommandé de consulter une association professionnelle d'art-thérapeutes afin
de déterminer si leurs exigences professionnelles correspondent au programme de
formation choisi. Au Québec, l’Université Concordia offre une maîtrise en Arts,
option art-thérapie; et l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, un
diplôme d’études supérieures spécialisées en art-thérapie (voir Sites
d’intérêt).
Livres, etc.
Il existe des centaines
d'ouvrages sur le sujet, en voici quelques-uns. Voir aussi le site de
l’AATQ.
Boyer A. Manuel d'art-thérapie. Privat, France,
1992. Un manuel didactique et théorique. L'auteure a une formation
européenne, mais a aussi rencontré des praticiens américains. Il fait un lien
entre les différentes approches.
Capacchione L. Faites vivre votre
enfant intérieur : Jeu, dialogue et art-thérapie. Stanké, Canada, 1994.
Une bonne introduction à l'art-thérapie.
Duchastel Alexandra.
La voie de l'imaginaire : le processus en art-thérapie. Éditions
Quebecor, Canada, 2005. L'auteure est psychologue et art-thérapeute. Son
ouvrage propose un certain nombre d'exercices, sans être à proprement parler un
manuel d'art-thérapie. Il vise plutôt à susciter une réflexion de fond sur la
manière d'aborder et d'apprivoiser le pouvoir guérisseur de l'art, de
l'imaginaire et du corps.
Hamel Johanne. De l'autre côté du
miroir. Le Jour, Canada, 1993. Art-thérapeute et psychologue,
Johanne Hamel propose, à l'aide de nombreux exemples, une méthode de croissance
personnelle par le rêve. L'auteure est fondatrice et directrice du Centre de
ressourcement par les arts et la nature à Sherbrooke.
Jobin Anne-Marie.
Le journal créatif : À la rencontre de Soi par l'art et
l'écriture. Éditions du Roseau, Canada, 2002. Un ouvrage pour
explorer son intériorité par l'écriture et le dessin.
Klein J.-P.
L'art-thérapie. Éd. Hommes et perspectives, France, 1993.
L'auteur considère plusieurs arts d'expression - la danse, la musique, la
poésie et les arts visuels. Un livre intéressant qui présente les possibilités
de chacune des approches thérapeutiques par l'art.
Kramer E. Art as
Therapy with Children, Schocken Books, États-Unis, 1971. Un manuel
d'art-thérapie abondamment illustré dans lequel l'auteure démontre sa manière de
travailler avec des enfants présentant une variété de problèmes. Un classique de
base, Kramer étant une des pionnières de la profession aux
États-Unis.
McNiff Shaun. Depth Psychology of Art. C.C.
Thomas, États-Unis, 1989. Un des grands auteurs américains sur
l'art-thérapie. Ce traité démontre le lien étroit et essentiel entre l'âme et
l'art. Il comporte un chapitre illustrant sa démarche personnelle en art
réalisée à un moment important de sa vie.
Rodriguez Jean, Troll Geoffroy.
L'art-thérapie : Pratiques, techniques et concepts. Ellébore,
France, 2001, 2e édition. Réalisé par deux praticiens en art-thérapie,
l'ouvrage regorge d'informations sur le sujet : plus de 396 auteurs
cités.
Royol Jean-Pierre. Art Thérapie - Quand l'inaccessible est
toile, Dorval Éditions, France, 2008. L’auteur, psychologue
clinicien, s’appuie sur une expérience de plus de 30 ans en milieu hospitalier.
Il présente l’art-thérapie avec rigueur et poésie à la fois.
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